mercredi 19 août 2009

Ibu A

Après 3 mois d'adaptation difficile, il me semble important de vous parler du sujet qui me rend le plus malade ici, j'ai nommé Ibu A. Je ne citerai pas son nom en entier par souci de bienveillance, mais surtout parce que son nom doit être un faux, puisque je reste convaincue qu'elle est payée par les services secrets pour me faire craquer.

Par quel bout commencer pour présenter Ibu A. (Ibu=Madame) comme il se doit. Ibu A est la dame qui s'occupe de ma maison. Enfin qui s'occupe..Nous verrons plus tard comment elle s'occupe.. Ibu A. m'a été refilée dans le package barraque, internet, téléphone. Autant l'internet, je l'ai pas illimité..autant Ibu A....Elle vient quand même 8 heures par jour tous les 2 jours...

Bon alors qu'est c'qu'on fout 8 h par jour tous les 2 jours me direz-vous......Je cherche encore. Du coup, un dimanche, j'me suis posée calmement chez moi, et j'ai réfléchi. J'ai retourné le problème dans tous les sens. Je me suis laissé 8 heures de réflexion, et puis j'ai décidé de faire un tableau pour voir comment on pouvait s'occuper 8h par jour trois fois par semaine chez moi. Et finalement, c'est évident:

  • enrouler mes fils de téléphone autour de la batterie=15 minutes
  • prendre un sac à main dans ma chambre pour le mettre dans la cuisine=10 minutes
  • remplir mon sac à main de sacs en plastiques=15 minutes
  • plier tous les sacs en plastique dans mon sac à main=20 minutes
  • mettre tous mes produits de maquillage à la verticale=30 minutes
  • Aligner mes chaussures à 3 cm du mur et les mettre bien parallèles=30 minutes
  • prendre ma brosse à dent et la mettre dans la cuisine=10 minutes
  • emmener mon linge propre au lavoir =3 heures
  • prendre la p*** de télécommande de la clim et l'emmener à la LAVERIE.....=2 heures (je hais cette femme)
  • mettre le balai sur mon oreiller=15 minutes
  • cacher 1 kilo d'oignons quelque part où je l'ai jamais retrouvé= 25 minutes (ou peut être 40, c'est chaud de trouver une planque dans ma baraque) etc, etc.....


Ibu A a une passion. Laver les habits. Mais surtout les habits propres. Il arrive qu'un T-shirt passe trois fois au lavoir sans jamais avoir été porté. Ex: un t shirt arrive un mardi dans ma penderie. Le vendredi jme dis: “tiens je mettrai bien ce t-shirt”. Trop tard. Pas assez réactive. Loupé le coche. Il est reparti au lavoir. Allez comprendre. Je peux le dire. Je déteste Ibu A. Un jour je devais partir en we; je suis dans le rush, je fais ma valise en 2-2 pour être prête à tout prendre en vitesse en revenant à la maison. Bam. Je reviens. Ça a pas loupé, elle m'a pris toutes mes affaires (qui pourtant étaient pliées de ses prOpres mains!!) et me les a emmenées au lavoir. Okkkkkk.

Ce que j'aime aussi chez Ibu A, c'est son goût de la tradition. Lorsqu'elle a fait un truc un jour, y a 4 ans, elle a du s'arrêter (15 minutes) pour se dire “tiens, c'est génial ce que je viens de faire” et elle le refait systématiquement. Aussi me prends-je bien la tête pour lui expliquer “Oui Ibu A, je sais que le proprio y a 10 ans il aimait bien qu'on mette son après shampoing sur les toilettes, mais moi ça m'emmerde, comment vous dire simplement, ça plus pratique laver cheveux dans douche pas toilettes. Pardon? Ah bah non Ibu A, c'est pas possible que je comprenne le bahasa indonesia au bout d'un mois, non Ibu A, ça ne sert à rien d'articuler, je ne comprends pas. Non, Ibu A, Même plus lentement. Ibu A..Ibu A..IBU ANA TU VAS FERMER TA GUEULE.

Je n'ai toujours pas très bien compris ce qui se passe dans sa tête ni comment il faut s'adresser à elle. Quand je lui parle, ça marche pas, alors du coup, Ibu A et moi, on fait comme un pictionary ensemble, je mime et je dessine et parfois elle gagne. Un jour, ça faisait deux semaines que j'étais là et que mon prédécesseur m'avait laissé une malle en rotin remplie d'ustensiles de cuisine, j'avais décidé que ça faisait quand même 2 semaines que c'était pas pratique de chercher une poêle dans cette malle, aussi avais-je mis cette malle ouverte dans la cuisine avec comme message subliminal « Il faudrait ranger ce merdier dans les étagères », je reviens, la malle est fermée comme si de rien était. Ok. Deuxième jour, je me dis que mon message n'est pas clair, j'ouvre la malle AU MILIEU de la cuisine avec un exemple de casserole rangée sur l'étagère. Je reviens. La malle est fermée comme si de rien était. OKK. Alors je prends un papier, je dessine des flèches qui partent de la malle et qui désignent l'étagère, je place la malle sous l'étagère, et là je reviens...La malle est fermée comme si de rien était....mais l'étagère est vide...Super louche...Alors je sais pas ce qui s'est passé, le papier fléché a dû se retourner, un coup de vent, ou quoi ou qu'est-ce....Elle m'avait vidé toute l'étagère dans la malle, cette conne. Tiens d'ailleurs ça me rappelle la fois où j'avais mis un papier « merci de nettoyer ce placard » en ouvrant une porte du placard pour montrer que c'était bien l'intérieur du placard, et pas la porte, que je voulais nettoyer. Et bah, vous m'croirez, vous m'croirez pas. J'aurais du ouvrir les 2 portes. Ça a pas loupé, elle m'a nettoyé la moitié du placard et s'est arrêtée là ou commençait la deuxième porte.

Je reconnais tout de même chez Ibu A quelques initiatives. Un jour (jour 1) que j'avais mis avec amour un noyau d'avocat dans un bol d'eau pour le faire pousser, je rentre le soir, le noyau était à la poubelle, et le bol, lavé, me narguait près de l'évier. Jour 3 (rappelons qu'Ibu A ne vient que tous les 2 jours): Je demande à Ibu A pourquoi elle a jeté mon noyau et lavé mon bol, c'est « parce que c'est pas possible de faire pousser un noyau, ça n'existe pas, comment voulez-vous qu'un noyau donne une plante, faut pas déconner, ces occidentaux sont vraiment cons, mais ok, je vais lui laisser son noyau de merde et elle verra bien que ça poussera pas, et elle verra à quel point j'avais raison, et alors elle me rachètera les nouveaux torchons que je lui demande depuis 3 mois” (<--Je me suis permis de traduire son regard. Comme vous pouvez le constater, nous avons à faire à un regard qui en dit long). Bref, je passerai le fait que mon noyau a donné une pousse et qu'Ibu A a quand même eu ses nouveaux torchons, mais je ne passerai pas la suite de cet événement palpitant revenant sur un précédent paragraphe concernant le goût d'Ibu A pour la tradition. Voilà. Depuis cet épisode, Ibu A ne lave plus les bols de thé (va expliquer pourquoi les noyaux d'avocat ça pousse et pas les feuilles de thé que tu viens d'infuser), ne jette plus l'eau de cuisson des brocolis, garde les pépins de mandarine qui trainent dans les assiettes..etc.....

Ibu A, y a un truc qu'elle aime bien faire aussi, c'est se mettre à dire “pardon pardon, je suis désolée mademoiselle Sophie” en tremblant, repliée dans un coin de la cuisine. Alors au début je comprenais pas trop, je la regardais l'air embêté en me disant que peut être elle se sentait pas bien. Mais j'ai compris que souvent ça concordait avec une remarque très calme pourtant du genre “Ibu A, c'est bizarre ce trou dans ma culotte blanche, et pourquoi d'ailleurs cette culotte blanche est-elle bleue”. Bon alors au début ça surprend de la voir mains jointes, tremblotante, et puis après ça t'énerve juste. Surtout quand elle vient jusqu'à ton boulot et que t'es en plein budget. Un jour, comme ça, je bossais, normal quoi, et je vois mon Ibu A passer devant ma porte vitrée. Mais pas passer pour venir me voir, non, non, longer les murs. Qu'est ce qu'Ibu A pouvait bien faire au consulat français? M'aurait-elle caché qu'elle était citoyenne de France? Venait-elle chercher son visa pour venir me voir à Paris à Noël? Alors moi j'arrête de bosser je lève le nez, l'air parfaitement interrogatif voire dubitatif doublé d'une pointe de curiosité, et je vois mon Ibu A avancer d'arbre en arbre en scread. Je l'observe quelques minutes, elle sait pas que je la vois, et moi je sais pas ce qu'elle fait. Et puis 12 minutes après, la bibliothécaire se ramène en me disant “mais tu la bats ta femme de ménage, elle tremble en disant qu'elle a peur de toi”....Mais pourquoi Dieu vient -elle trembler au bureau celle là encore? Ça lui suffit plus la cuisine? Qu'est ce qu'elle VEut? Elle vient m'amener mon après-shampoing? Elle veut nous faire un projet d'exposition au centre avec des petites culottes trouées qui ont déteint au 457 ÈME lavage sans avoir été portées??? Qu'est- ce qu'elle m'emmerde encore? Il faut acheter du molto c'est ça? Le molto, le molto, mais si elle lavait pas 75 fois les mêmes trucs y en aurait encore du MOLTO de mon cul là. TOUTES les semaines elle rachète un kilo de MOLTO. Voilà. Et c'est ainsi, en me relisant, que je peux comprendre qu'Ibu A ait peur de moi.

Conclusion de cette histoire: les femmes de ménage.......ça fait chier.

Un manuscrit d'Ibu A immortalisé à jamais. « Pardon, Sophie je n'ai pas encore été chercher les draps à la laverie ». On note une hésitation sur l'orthographe de mon prénom. « Sopi » ou « Sofi », le choix est rude. On notera cependant qu'Ibu A est parfaitement logique avec elle-même, puisqu'elle orthographie parfois son propre nom avec un « n », parfois avec deux.



3 commentaires:

Unknown a dit…

c'est du propre de prendre sa femme de ménage, Mme A, en grippe!
Bon sinon, y a pas de Ibu Ana, ni Anna sur facebook, étonnant, non?

l'ayatollah de la langue française (Jude qui t'aime) a dit…

Ravie de constater le glissement de ton vocabulaire de "lavoir" à "laverie". Parce que j'allais faire un commentaire assassin disant que parler de lavoir au 20ème siècle, c'est vraiment pas possible, même en Indonésie.

Finette a dit…

Alors je rectifie:

Oui, il y a un lavoir, pour tout ce qui est petit linge, ce lavoir se situe chez moi.

Oui, il y a aussi une laverie, normalement pour tout ce qui est draps, gros linge, mais qui sert surtout de lieu de repos pour ma télécommande de clim qui y passe régulièrement, ainsi qu'à laisser mes vêtements pour l'éternité (certains ne reviennent jamais)