lundi 6 avril 2009

Y'a t'il un roux pour sauver le consul?

Résumé : Je ne comprends rien à cette ville. Les scorpions sont des fourbes. L'homme à la moto qui sauvait les jeunes filles en détresse. « Bémo, boulot, dodo ». En indonésien, “étranger” se dit “bouley”. J'ai conscience que cette lettre est très complexe, voire même incompréhensible. Veuillez excuser mon esprit brouillé par la chaleur.

Bien chers tous,

Chers bien tous,

Tous bien chers,

Vous avez été pléthore à me réclamer des nouvelles, et je vous remercie moult fois mes seigneurs de penser encore à moi après tant d'années d'absence (oui, je sais je ne suis partie que depuis 23 jours, mais ça fait au moins 3 ans pour un chien). Alors “comment va Madame le consul?” a été la principale interrogation, suivie de “comment va Madame la Directrice Adjointe”, et parfois même dans votre bonté bienveillante me portant aux nues “Comment va son Excellence l'Ambassadeure”.

J'aimerais dans un premier temps vous remercier de tous ces titres honorifiques qui me comblent (bien que mes chevilles n'aient pas besoin d'enfler plus que par la chaleur), puis dans un second temps, faire remarquer aux poseurs de la tierce question, que l'on ne dit pas “ambassadeure”, mais “ambassadrice”(ce qui plus est ne me concerne pas puisque je ne suis qu'une siiiiiiiimple Directrice Adjointe, parfois consul par intérim (vous pouvez me tutoyer, je tiens à rester humble).

Alors je vous répondrais qu'elle va bien, qu'elle a la pêche, qu'elle arrive à commander un taxi toute seule, et qu'elle mange à sa faim, ce qui n'était pas gagné d'avance.

Mes premières journées se sont bien passées. Par acquis de conscience, l'une de mes premières questions (rhétoriques, réponse attendue “non”) en visitant le jardin du C-C-C-C-F, (ce qui ne facilite pas la communication lorsque déjà tu parles pas indonésien, mais en plus quand on a l'impression que tu bégaies quand tu dis où tu travailles), fut :

-“(...)Mais sinon, y a pas de bestioles bizarres ici, non bien sûr hein, pas de tarentules....?”

-”Non , non, il y a des mouches, des abeilles, des lézards, des moustiques , des scorpions, des chenilles, des..”

-”DES SCORPIONS??”

et là, devant mon effroi, mon hôte me dit: “Oui, mais y a pas la problème, elle pique seulement quand toi les attaquer”. Et bah merde alors, franchement merde. Moi qui étais venue dans la ferme idée d'”attaquer” un scorpion...MAIS qui, QUI attaque un scorpion?? Ça n'existe pas ça, ça n'a pas de sens. Pourquoi j'attaquerais un scorpion? Pour lui piquer son sac? C'est complètement con. Alors évidemment, ça m'a fait me poser quelques questions existentielles sur la tolérance du scorpion. Exemple: moi quand on me marche sur le pied, j'la joue cool, je plante pas un ongle dans l'bras du mec qui a perdu l'équilibre en lui disant “ahahAHAHAHHA, j'ai trempé mes ongles dans l'arsenic, tu vas crever charogne”. Alors que le scorpion, le scorpion, lui, quand on lui marche sur le pied...il fait quoi ce sale intolérant, ce rancunier là?! Bref, c'est là que je me suis mise à détester les scorpions et leur seuil de tolérance vraiment limite...Bref, laissons là ce triste sire le scorpion.

Du côté de mon appart, de ma maison veuille-je dire, et bien je confirme: 120M² pour une personne, c'est grand. Très grand. La dernière fois j'me baladais comme ça, et vlan: j'trouve un quatrième chiotte. Alors je me garde des surprises, je visite petit à petit. Mais là où j'ai été étonnée dans mon palais, c'est quand mon prédécesseur m'a montré la salle de bain. Alors je sortais presque de l'avion, il me fait visiter la maison et me montre d'un geste une porte en déclarant:”Voici la salle de bain”. Je regarde. Je rigole devant sa bonne blague, puis lui demande « la vraie salle de bain », et comme il a l'air sérieux, et que moi j'ai l'air fatigué de 35h de route sans avoir fermé l'œil, je le prends au collet, le plaque contre le mur et lui hurle dans l'oreille en postillonnant:« montre moi la vraie salle de bain, fils de chien !!!» (J'exagère, je travaille dans la diplomatie). Et depuis, tous les jours, je me lave en me balançant des casseroles d'eau froide que je puise dans une cuve. Alors 4 salles de bain, oui, mais faut aimer l'eau stagnante.

On me pose aussi beaucoup la question des moustiques. Les chicoungougnas sont-ils tes amis? La réponse est: pendant 14 jours, je n'en ai pas croisé un seul. Et au 15ème jour: 6 piqûres d'un coup. Un tireur d'élite. Un fantassin hors-pair. Je ne vois qu'une explication. Il a dû me chercher partout pendant 14 jours dans les 120m²: “Mais elle est où, putain de merde, elle est où? Nan ça c'est pas elle c'est la cuisine.. non plus, c'est le lavoir...le garage... la chambre de bonne... la véranda...Mais merde j'en peux plus, j'ai la dalle...Oh VASY VOIR cette salle de bain comme elle est canon!!! C'est là que j'irai me reproduire plus tard! Trop BEAU cette cuve !”Bref, il a passé tranquillement 14 jours à visiter, à faire ses plans et à mesurer des trucs pour faire rentrer ses meubles, et au 15ème jour, il a dû me trouver, et comme il avait pas bouffé tout le temps où y avait son architecte d'intérieur, il m'a littéralement vidé un bras.

Côté boulot, et bien vous savez le principal: Krishna, Visnu et Kojac. Voilà. Ce à quoi s'ajoute: Irma la comptable (ils vont avoir des surprises quand ils vont savoir comment elle fait ses comptes), Bamban, kiki, Woui-Woui (qui arrive dans sa petite voiture jaune et rouge) et Riri. L'intérêt principal de Riri, c'est qu'elle a des amis. Mon surnom chez moi, c'est Fifi. Et un des stagiaires s'appelle Loic. Ses parents l'appellent Loulou. J'ai l'honneur, et la joie de vous annoncer que le trio “Riri, Fifi, Loulou” s'est recomposé. Sinon, bon, y a bien un attaché qui s'appelle “Monsieur Sauterelle”, rien de bien spécial, ça me fait une transition sympa avec le” Monsieur Fourmi” que j'avais à Innsbruck.

Krishna et Visnu sont très sympas, mais ne maitrisent pas du tout la concordance des temps, ce qui fait que je ne sais toujours pas en quoi consiste mon boulot, ni s'il a déjà été fait. Je pense que ça va booster mon indonésien parce que ça va me saouler d'attendre 16 minutes qu'ils finissent leur phrase pour en plus, au final, ne même pas avoir compris.

-“Sophie, hier je vais parler au sponsor de Total qui vient d'arriver il y a 5 ans”

-”Hum. D'accord Visnu, ça me parait bien. Donc tu l'appelles ou tu veux que je le fasse?”

-”Je veux bien que toi l'appelles, mais il est parti en France dans quelques mois, alors il va l'attendre”

-”Humm. D'accord Visnu, mais je n'ai pas très bien compris. Ce Monsieur, tu l'as déjà appelé ou il faut l'appeler”.

-”Oui, Oui je l'ai appelé qu'il faut l'appeler dans le moment où il sera là, dans le semaine dernière”

-”hu-hummmm. D'accord Visnu, ça me parait bien. On va faire comme ça. Mais ce Monsieur, il sait que nous allons l'appeler ou c'est un nouveau monsieur qui remplace un monsieur qui est parti après être resté 5 ans?

-”Oui, c'est ce que j'ai dit. …......................................

-”hummmmm Visnu. Tu sais c'qu'on va faire. J'vais fumer une cigarette et on en reparle”

La semaine dernière on a organisé la fête de la francophonie. Fête pour laquelle j'ai eu la chance de me retrouver jury du grand concours (dont le prix était un voyage en France). Les candidats ont fait montre d'une créativité sans précédent, rivalisant avec ceux de la nouvelle star. La sélection fut dure, très dure, tant dans le choix du vainqueur, que dans l'obligation de garder son sérieux et de réprimer le fou rire naissant à chaque introduction de performance. “Je vais présenter à vous l'chanson chanteur on france avec bague. Et là le mec nous sort une paire de baguettes et commence à taper la mesure. “Le nom c'est “manèche” (alors là en général, pour pas vexer, tu attends qu'il chante pour reconnaître la mélodie à défaut d' avoir reconnu le titre). Tu écoutes, tu t'accroches, t'essaies de trouver un mot qui te semble familier. Tu te demandes si finalement il a pas choisi un titre indonésien, et puis ENFIN, tu reconnais un “Et toi” qui sort d'un marasme de phonèmes. Et puis enfin, le refrain arrive, et tu reconnais.

Je vous passe le mime, le théâtre de marionnettes où j'ai rien compris à l'histoire, le poème français où le mec te joue à fond la trame, où parfois il crie, parfois il pleure, parfois il montre le sol, parfois il se retourne violemment dans un souffle bestial, et où tu suis tous ses gestes avec des grands yeux, parfois un peu plissés par la concentration, avec la bouche légèrement ouverte pour répéter silencieusement afin de transcrire en français correct les syllabes qui sortent des cris, en te demandant ce que le texte peut bien vouloir dire pour nécessiter une telle mise en scène. J'ai cru entendre le mot “guerre” à un moment, mais rien est moins sûr.

Je vous parlerai plus tard du racisme des indonésiens qui n'aiment pas les chinois, qui, je cite “ont les yeux bridés”...OUi, je sais, ça surprend un peu quand la personne qui te dit ça, a elle-même les yeux bridés. Je vous passe aussi la banque où on te demande ta religion, et où t'es obligée de choisir parce que l'athéisme n'est pas recevable, et puis où t'as le choix entre 3 cases pour signaler ton statut marital. On me traduit la première case: “mariée”. Non. La deuxième: “pas encore mariée”. Non plus. Alors je coche la troisième et dernière case qui, par défaut, est forcément celle du « célibataire ».....Et c'est donc après avoir ouvert mon compte en tant que « veuve bouddhiste » que j'ai pu tranquillement subir ma première épreuve: “l'abandon par un taxi dans une rue inconnue avec de l'eau jusqu'au genou, sous une pluie de mousson, en pleine nuit noire, sans connaître mon chemin, et sans personne à qui le demander”....

A suivre: Le consul fait du karaoké, L'adjointe et le mystère de la lime à ongles plantée dans son canap, S. et le Bémo fou, Mais que fait Visnu??

Je vous embrasse tous très fort! Merci à vous qui me donnez quelques nouvelles de ma patrie, ça fait toujours très plaisir de vous lire. Une mention spéciale pour la plus jolie maman du monde qui fête son anniversaire.